Jusqu’où va-t’on trop loin ?

« Nemo enim est tam senex qui se annum non putet posse vivere », Personne n’est si vieux qu’il ne pense pouvoir encore vivre une année… C’est ce qu’écrit Cicéron à Atticus dans son traité sur la vieillesse.

Jusqu’où va-t’on trop loin ?

Lün, le dernier chow-chow, ne s’approchait plus du maître qu’elle aimait. L’odeur dégagée par la putréfaction des tissus dévorés par le carcinome et la radiothérapie rebutait la chienne qui allait se blottir dans le coin le plus reculé de la pièce. Le lit fut dressé au rez-de-chaussée, dans la pièce où il avait reçu des analysants jusqu’en juillet. On  l’entoura d’une moustiquaire pour préserver Freud des insectes attirés par la gangrène. 

Il était temps de partir. 

Le 21 septembre, il demanda à son médecin, Max Schur, de mettre un terme à une torture qui n’avait plus de sens. Schur commença les injections de morphine. Freud s’éteignit dans la nuit du 22 au 23 septembre. Anna et Lux l’avaient veillé sans interruption pendant quarante heures.

Le dernier livre que lut Freud fut “La peau de Chagrin”.

L’Allemagne avait envahi la Pologne le 1er septembre.

Maresfield Gardens, Londres

Extrait de « Chemins croisés », tome III, travail en cours.

3 réflexions sur « Jusqu’où va-t’on trop loin ? »

  1. Comme ces considérations sont émouvantes…
    Vivement ce tome III (et dejà merci !)

    1. Jusqu’où va-t’on trop loin? Jusqu’au bout de ce « regard de Chimène pour Rodrigue » que chacun pose sur lui-même sur son corps, sur l’état de son esprit. Jusqu’au bout de cette procrastination qui remet à demain, à dans un mois, à dans un ans, enfin à plus tard, la décision prise de ne pas aller trop loin. Jusqu’au jour où l’on regarde la photos des retrouvailles des anciens des 50 ans de notre diplôme et l’on se dit comme ils ont vieilli. Ils ? eux ? Nous échappons donc au sort commun ? Au temps ? À la mort ?
      Allons, reprenons encore une tranche de vie, une miette aussi … quoi ? la dernière miette est mangée ? OK, la morphine.

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