Elle a gravi l’escalier de pierre. Au palier, elle a pris la porte de droite. Elle est entrée dans la salle d’attente. Elle y a reconnu les photographies d’Havelock Ellis et de Hanns Sachs. C’est ce dernier qui l’adresse au Professeur. Il lui a parlé de sa famille, de sa façon de vivre.
La porte du cabinet s’ouvre. Freud ne parle pas. Elle entre sans le voir comme une automate. Son regard fait le tour de la pièce, se pose sur les vitrines, les étagères, détaille les objets. Elle n’était pas prévenue. Elle éprouve l’impression d’être dans un temple. Elle pense : “C’est le Vieil Homme de la mer et voilà les trésors qu’il a ramenés des profondeurs marines.”
Freud parle enfin. Il lui dit : “Vous êtes la première personne à regarder les objets plutôt que de me regarder, moi.”
Elle ne répond pas. Elle regarde une petite lionne au pelage d’or qui vient vers elle sur le tapis. Peut-être était-elle cachée derière le divan ? Freud l’avertit : “Ne la touchez pas, elle mord, elle n’est pas commode avec les étrangers.” Elle ignore l’avertissement. Elle s’accroupit sur le parquet. Yofi, la chow-chow, pose son museau dans sa main, blottit sa tête au creux de son épaule.
D’après H. D. (Hilda Doolittle), “Pour l’amour de Freud”, Des femmes / Antoinette Fouque, 2010.

Amphore à figures noires, Attique, 5ème siècle BC. Collection de Freud, Maresfield Gardens, Londres.
Dans l’amour de Freud (ou au fond des amphores), on ne va jamais trop loin.
Soulagée de vous imaginer préférer, eu égard à l’actualité, la douceur de la caresse à la menace de la morsure du chow-chow.
Comme quoi, il ne faut pas toujours suivre les conseils du « maître » !…
Belle indépendance !